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Texte d’opinion — Le Devoir — À la base, les artistes! [28 avril 2025]

Texte collectif*

 

Texte:

Depuis plusieurs mois, les pages du Devoir témoignent des questionnements soulevés à propos du sort réservé aux arts et à la culture dans notre société. Nous observons avec intérêt la diversité des points de vue dont l’origine nourrit souvent le propos.

Dans cette mouvance, le Front commun pour les arts met en avant une parole unitaire. Et pour maintenir cette voix unifiée, il a dû limiter ses revendications à une somme d’argent qui, disons-le, reste insuffisante.

Obtenue dans le récent budget du gouvernement du Québec, cette somme permet d’asseoir un seuil de viabilité minimale pour les organismes de soutien à la création, à la production et à la diffusion. Mais qu’en est-il de la situation des artistes et des collectifs d’artistes ?

Il y a quelques mois à peine, les principales associations d’artistes saluaient l’adoption d’une loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, du cinéma, du disque, de la littérature, des métiers d’art et de la scène (juin 2024). Cette loi donne un peu plus de mordant aux deux lois précédentes adoptées en 1987-1988.

Après 38 ans, ces outils législatifs ont pourtant fait la démonstration de leur vacuité sous plusieurs aspects. Notamment, la perception et la redistribution de droits négociés n’ont pu, et ne peuvent pas, à elles seules, assurer des conditions socio-économiques décentes aux artistes du Québec.

Carcan

Face à ce constat récurrent, pourquoi ne pas tenter de penser autrement et sortir de ce carcan qui présume que l’échange commercial, l’obtention de bourses par projet et la perception de droits garantissent des conditions socio-économiques dignes aux artistes ? Il est erroné de penser que l’argent public versé aux producteurs et aux diffuseurs ruisselle systématiquement vers le bas.

Essayons de brosser un portrait plus global : pourrions-nous garantir la survie économique des artistes, d’une part, et, d’autre part, couvrir les frais liés à la création et à la production ? Pourquoi ne pas envisager l’attribution d’une « bourse de subsistance » pluriannuelle renouvelable à la hauteur du revenu médian québécois ?

Les systèmes d’évaluation par les pairs du Conseil des arts et des lettres du Québec pourraient fort bien vérifier le bien-fondé du statut professionnel d’un artiste, attester de la continuité d’une pratique soutenue et ainsi valider l’attribution de telles bourses. Les artistes pourraient à long terme contribuer non seulement à l’essor de leur propre création, mais aussi à l’ensemble de la dynamique socio-économique de la société québécoise.

De plus, un tel programme de « bourses de subsistance » contournerait la fragmentation du soutien aux arts et à la culture, car plusieurs mesures nées de soucis politiques brouillent les enjeux artistiques.

Intérêts partisans

Lors de la création du CALQ (1994), plusieurs intervenants du milieu ont réclamé que cette société d’État relève directement de l’Assemblée nationale afin de la préserver des intérêts partisans : cette disposition demeure pertinente, voire garante d’un écosystème sain et consolidé.

Tous ces postulats réclament un retour à la base, à la racine de toute culture, aux artistes. Et pour une stabilisation de la base, les « bourses de subsistance » semblent proposer un plan d’avenir constructif artistiquement, logistiquement et économiquement pour tous les partis impliqués.

Peut-on envisager que les organisations membres du Front commun pour les arts, ainsi que tout autre pair organisationnel ou individuel travaillant dans l’écosystème artistique, s’engagent à ouvrir cette question ? À mener des discussions de fond qui définiraient collectivement les objectifs poursuivis, la méthodologie et les conditions de leur déroulement ?

L’audace et la singularité d’une nation se mesurent souvent à ces initiatives a priori jugées utopiques. Pourquoi ne pas s’engager collectivement dans une étude de faisabilité visant à démontrer le réalisme et la pertinence d’un programme de bourses prenant la forme de revenus récurrents et renouvelables pour les artistes ?

Ont signé cette lettre, les membres du conseil d’administration du Regroupement de pairs des arts indépendants de recherche et d’expérimentation (REPAIRE), soit Éric Desmarais, France Choinière, Manon Tourigny, Alicia Turgeon, Gilles Arteau, Anne-Marie Lavigne, Mélanie Bédard, Gabrielle Harnois-Blouin, Guillaume Côté, Sébastien Pesot, Geneviève Yasmina Antonius-Boileau et Léa Boudreau.

Sources

Texte sur le site de Le Devoir